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Critique d’album : “The Bloom Project” par Adai Song

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Dans “The Bloom Project”, Adai Song, artiste visionnaire née à Pékin et installée à New York, compose un disque à la fois machine à remonter le temps et manifeste. Sorti en 2025, ce chef-d’œuvre nommé aux Grammy® dans la catégorie Meilleur album de musique globale réinvente le charme oublié du shidaiqu ce mélange de musique folklorique chinoise et de jazz occidental né dans le Shanghai des années 1920 à travers une lentille féministe et électronique éblouissante. Adai, connue à la fois comme productrice, DJ et chanteuse, insuffle une nouvelle vie à ce genre, transformant la mémoire culturelle en un acte de défiance. Il en résulte un dialogue complexe entre l’Orient et l’Occident, le passé et le futur, la douceur et le feu.

L’album s’ouvre sur « A Lost Singer », un hommage transcendant à Zhou Xuan et à son classique de 1937 Tianya Genu. Là où la voix de Zhou portait jadis la mélancolie de l’exil, Adai remplace la douleur par la réappropriation. Sa voix glisse sur une trame chatoyante de pulsations électroniques et de cordes ambiantes, reprenant la plainte de l’erhu tout en s’élevant vers la liberté.


Le morceau sonne comme une renaissance à travers le son gracieux, hanté, et magnifiquement affranchi. Ce n’est pas une simple réinterprétation, mais une véritable résurrection. Puis vient « Night Shanghai », un rêve électrique où les cordes du guzheng tranchent à travers des rythmes house hypnotiques et des vagues de synthétiseurs néon. Le morceau capture à la fois la beauté et l’isolement de la vie urbaine, un portrait d’ambition sans sommeil éclairé par les lumières vacillantes de la ville. La voix d’Adai alterne entre murmure et commandement, incarnant la solitude et la séduction d’une métropole qui ne s’arrête jamais de vibrer. C’est une œuvre cinématique mais intime, comme une danse solitaire à trois heures du matin sous des étoiles invisibles. « Make Way » représente la déclaration la plus audacieuse de l’album. En revisitant le tube de 1940 Rose, Rose, I Love You, Adai transforme une mélodie autrefois romantique en une proclamation radicale de puissance. « Mes épines portent ma fierté », chante-t-elle sur des riffs de pipa, des touches de koto et des synthétiseurs en éruption. Le paysage sonore est à la fois somptueux et explosif, mêlant fragilité et défi.


La production d’Adai devient une arme luxuriante, dense et farouchement féminine reprenant ce que l’histoire avait réduit au silence. Vient ensuite « Carmen 2025 », une tempête théâtrale de passion et de chaos. Inspirée de l’opéra de Bizet, Adai tisse des motifs espagnols et chinois autour d’une percussion tonitruante et d’éclats électroniques futuristes. Le résultat est un dialogue interculturel audacieux, fusionnant le drame sensuel de l’opéra et la rébellion numérique. On dirait que Carmen elle-même a pris vie dans une boîte de nuit cyberpunk à Shanghai indomptable et triomphante. Enfin, « River Run » clôt ce voyage sur une note de sérénité introspective. Le guzheng et le yangqin ondulent sur des lignes de basse qui battent comme un cœur sous la surface de l’eau. La voix d’Adai, douce et déterminée, flotte dans le mix tel un adieu au passé et une bénédiction pour l’avenir. “The Bloom Project” n’est pas seulement un album c’est un éveil. Il transforme l’héritage culturel en puissance créative, faisant des mélodies oubliées la bande-son de la libération. Avec ce disque, Adai Song ne se contente pas d’honorer l’histoire : elle la réécrit dans sa propre lumière éblouissante.




écrivain: Charles

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